Celles et ceux qui quittaient leurs vallées en octobre ou novembre, pour travailler l’hiver en Provence, rencontraient souvent la neige. Ils passaient les cols à pied, s’arrangeant pour être accompagnés de personnes qui avaient déjà fait le voyage : « En 1935, je n’avais pas les papiers. On a passé la frontière par le col du Porticiole, vers le sanctuaire de Sainte Anne de Vinadio. A ce moment-là, beaucoup de monde passait par là pour aller en France. Avec mon mari, nous nous sommes mariés en septembre et nous sommes partis en novembre. On était sept. Il y avait là des hommes qui avaient l’habitude. Il y avait une enfant aussi, et une fille qui ne venait que l’été à Vinadio, elle allait en France passer l’hiver. Les femmes, on avait mis des vieux pantalons pour ne pas se mouiller, parce qu’il y avait la neige. Nous avons dormi à Isola dans vallée de la Tinée » (A., originaire de la vallée de la Stura). La neige rendait les passages difficiles : « On partait sans les papiers, alors il fallait passer par la montagne. Pour ne pas nous enfoncer dans la neige, on étendait des draps de paillasse et on passait dessus, comme ça quatre mètres par quatre mètres » (B., originaire de la vallée de la Maira).
Au col Sautron (vallée de la Maira, Piémont), un des plus hauts des Alpes (2700 mètres), un monument rend hommage aux émigrants italiens qui y laissèrent leur vie : « Un d’ici avait mené sa fille en France, au printemps. A l’automne, il allait la rechercher pour la Toussaint. Quand il a voulu passer le col de retour, il y a eu une tourmente de neige. La fille, elle a eu les pieds gelés, et le père est mort. C’est mauvais là-haut ! » (F., originaire de la vallée Maira).
Certains sont traqués par les carabiniers et ne leur échappent qu’au prix d’une dangereuse course poursuite sur les sentiers de montagne en marchant à reculons pour leurrer leurs poursuivants. La mort, l’accident guettent parfois les migrants, aujourd’hui encore, alors que l’Europe peine à recevoir une toute petite partie de l’immense mouvement migratoire généré par des causes peu relayées dans les médias et donc peu connues des populations occidentales, obsédées par le spectre d’une « invasion » : les violences politiques des dictatures, la corruption, le pillage des ressources au profit des élites, les calculs diplomatiques et les conflits qui minent et ruinent le Tchad, le Soudan, le Mali, la Guinée, la Syrie, la Lybie... Beaucoup sont partis depuis plusieurs mois. Leur voyage au long cours les a vu traverser le Sahara par l’ouest ou par l’est, payant très cher guides et passeurs, payant de leur vie...
En 2017, tentant de passer la frontière à Vintimille (Ligurie), plusieurs jeunes hommes, originaires de pays africains, sont morts électrocutés en se cachant dans le local technique ou sur le toit des trains qui les transportaient vers la France. Depuis que le passage par la vallée de la Roya est devenu difficile, de nombreux migrants (en majorité des mineurs venant de pays francophones d’Afrique de l’ouest) passent la frontière par le col de l’Echelle et ses environs dans la région de Briançon où ceux qui ne sont pas reconduits en Italie par la police nationale ou la police aux frontières sont accueillis par des habitants et des associations de solidarité. L’hiver 2016, des maraudes nocturnes ont été organisées par des professionnels de la montagne soucieux d’éviter des drames. Les migrants franchissent les Alpes, l’hiver, dans un grand dénuement, certains ont été retrouvés couchés dans la neige. Deux d’entre eux ont dû être amputés suite à des gelures aux pieds et aux mains.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Mussolini lance une offensive à la frontière franco-italienne par le col du Petit Saint Bernard. Avant cela, de nombreux habitants du Val d'Aoste avaient quitté l'Italie pour un avenir meilleur en France...<br />
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Résumé du film<br />
Être d'ici, venir d'ailleurs... Pourquoi des hommes partent de leur terre natale, comment s'intègrent-ils dans leur pays d'accueil ? La Savoie est aussi une terre de migrations et d'identités plurielles.
- Année
- 2011
- Producteur
- CINÉMATHÈQUE DES PAYS DE SAVOIE ET DE L'AIN
- Réalisateur(s)
- Philippe THOMAS